« Dans l’ancien yoga, la contemplation du ciel (âkâshabhâvanâ) était considérée comme le support de méditation le plus efficace; il y a une raison à cela. D’une part, lorsqu’on médite sur l’image du ciel, le mental se dilate automatiquement et il s’ensuit une sensation bienfaisante de soulagement et de bien être. Le contraire de l’expansion, la contraction, suscite à l’opposé inconfort et malaise. Les nombreuses sollicitations contradictoires de la vie quotidienne nous contractent; nous nous crispons, notre mental souffre et une tension constante met notre système nerveux à rude épreuve. La contemplation de l’image du ciel dissipe cette tension; le mental, la force vitale et le corps se relâchent, la conscience redevient maîtresse d’elle même. Tels sont les bienfaits de l’heureuse expérience de l’expansion et de la détente. »
Antara Yoga, Le Yoga intérieur, Shri Anirvan.
« – Ce flux de la vie qui s’écoule au travers de moi spontanément et naturellement m’enchante.
– Dois je comprendre qu’en fait vous avez fait cette expérience à la lumière de Prajnana (Connaissance Suprême) qui s’est révélée dans un sentiment spontané et conscient ?
Cet état où l’on se sent a l’aise, léger et content, est l’expression spontanée d’un accomplissement intérieur.
Ce sentiment de satisfaction : on ne se sent poussé vers rien, la détente est complète.
Avoir une expérience directe de tous ses sens : c’est là que réside la joie (…) ceci est vraiment la joie. Les mains et les pieds, le nez, la bouche et les yeux, tous sont en fait les témoins de cette joie. »
L’art de voir – Svami Prajnanpad
« Ce jeu qui est le tien
C’est de nous balancer
Au rythme d’une mélodie silencieuse
De nous balancer sur une balançoire
Tu nous fais monter jusqu’à la lumière
Et brusquement tu nous précipites
Au fond des ténèbres
Quand la balançoire remonte
Ce sont des rires joyeux
Quand elle redescend ce sont des cris de peur
ce trésor qui est le tien
Tu le fais passer de ta main droite
A ta main gauche
Et de ta main gauche à ta main droite
Et encore et encore.
Assis dans la solitude
Tu rassembles les Soleils et les Lunes
Et tu les fais tourner sans cesse
Tu les dévoiles et ils sont nus
Puis tu les habilles d’un voile
Qui nous les cache.
Croyant que les trésors de notre cœur
Nous ont été arrachés
Nous pleurons des larmes inutiles .
Mais tout est plein et complet
Rien n’a été perdu.
Et il n’y a que la balançoire
Sans cesse qui va et qui vient. »
Rabrindranath Tagore
¬ Extrait de « Sens et portée du Hatha-Yoga dans la tradition Natha » par Kamalakar Mishra, professeur à l’Université Hindoue de Bénarès, Varanasi (traduction Martine Huon) :
Avant de connaître les composantes du hatha yoga avancé, il est nécessaire de comprendre le concept d’impureté physique, qui bloque le flux de la conscience et de l’énergie vitale.
Le blocage physique peut être décrit avec des termes divers tels que tension, rigidité, congestion, opacité, manque de souplesse, dureté, stress, etc.
Nous pouvons comprendre cela a l’aide d’exemples. Ainsi le corps d’un enfant ou d’un adolescent est plus souple et moins raide qu’un corps âgé; de même le corps féminin comparé au corps masculin. C’est parce que les corps jeunes ont moins d’impuretés que les corps âgés et les corps féminins que les corps masculins.
Quand le corps est tendu ou raide ou plein de stress, le flux de la conscience, comme celui de l’énergie, est bloqué. On appelle impureté ce qui obstrue. Pour faciliter la circulation voulue, il faut libérer le corps de son impureté.
La pratique du hatha yoga défait les tensions (la rigidité ou le stress) et apporte « shuddhi », la pureté au corps. Cela facilite le flux de la Conscience (ou Kundalini, ou Soi).
La purification déclenche aussi la régénération des cellules corporelles, source de longévité et de santé du corps.
Il faut cependant préciser dans ce contexte que la véritable purification du corps, ou toute la purification désirée, ne vient pas du seul yoga physique ; il est nécessaire de pratiquer les techniques yoguiques méditatives de purification de soi tout en pratiquant le Hatha-yoga. (…)
L’objectif immédiat des postures (asana) du yoga est de libérer le corps de ses tensions et raideurs pour le rendre souple et léger. Pour cela nous courbons et étirons le corps, particulièrement la colonne vertébrale, de différentes manières.
Le secret des postures est de fléchir et d’étirer le corps tout en le détendant et l’assouplissant consciencieusement et délibérément. Plus nous délions le corps, plus le but de la posture est atteint. Quand on l’assouplit et le détend délibérément, le corps tend ensuite à s’étirer et à bouger naturellement et automatiquement, ce qui défait la tension et la rigidité.
Le yoga est encore plus indispensable quand on avance en âge car le corps devient de plus en plus raide en vieillissant. Les personnes âgées ne parviennent plus à faire des postures à moins de les faire en relâchant délibérément le corps. La tension physique est ainsi éliminée et quand nous allons dormir il en résulte un repos du corps en profondeur (..)
Le corps ne peut pas prendre de repos profond si les tensions physiques ne sont pas d’abord dénouées.
Les Bandhas (tels que Mula-bandha, Uddiyana-bandha et Jalandhara-bandha, contraction de la « racine », du ventre et de la gorge) font partie de la prise des postures.
Ils produisent des effets comparables à ceux d’une puissante « acu-pressure ». Les bandha sont réalisés en contractant fortement la partie concernée. Eux aussi défont les tensions. Les bandhas peuvent être appelés « auto-acu-pressure » et c’est exactement ainsi qu’il faut les faire.
La même technique (assouplir et détendre) doit être adoptée dans le Pranayama.
Le pratiquant assouplit ou détend délibérément tout le corps, spécialement l’appareil respiratoire et, faisant comme si le corps était un soufflet (bhastri), gonfle et dégonfle le « soufflet ». Gonfler fait automatiquement rentrer l’air et dégonfler le fait sortir.
L’attention du pratiquant ne se porte pas sur le fait d’inspirer, et il ou elle ne fait aucun effort pour inspirer, mais il est attentif à gonfler le soufflet du corps volontairement et l’inspiration s’ensuit automatiquement. L’inspiration est d’autant plus profonde que l’expansion est ample. On peut observer que quand on fait un exercice physique puissant (comme courir ou grimper les escaliers rapidement) automatiquement la poitrine se gonfle plus, l’inspiration devient plus profonde et spontanément nous respirons plus bruyamment et profondément.
Mais ici nous devons faire un soufflet non seulement de la poitrine mais de tout le corps – comme le font naturellement les chiens qui ont couru – et artificiellement et consciemment gonfler et dégonfler le « soufflet » pour produire une respiration profonde et sonore.
Ce pranayama est donc une respiration profonde ou respiration avec le corps entier qui oxygène fortement le corps, expulse le dioxyde de carbone et purifie ainsi le corps. Il faut souligner dans ce contexte que la rétention du souffle (kumbhaka) n’a pas besoin d’être faite volontairement mais qu’elle est produite automatiquement par la respiration profonde. La respiration est un processus naturel d’oxygénation du corps et aussi de relâchement des tensions physiques.(..) pas plus la pratique posturale que le pranayama ne doivent être faits en forçant.
Le corps les réclame naturellement tous les deux et nous n’avons qu’a suivre et faciliter le processus naturel. La pratique du yoga facilite le processus de la vie.